J’ai pris son téléphone portable, et je l’ai lancé par le fenêtre (ouverte).
C'est ce que j'aurais aimé faire, mais je ne l’ai pas fait. Parce que cela ne représente probablement pas la meilleure méthode éducative pour résoudre un conflit avec un adolescent, et parce que j'ai appris à aborder les désaccords de manière différente.
Néanmoins, l'idée même m'a procuré une certaine satisfaction, ne serait-ce que pour quelques instants.
L'adolescent en question avait été interrompu dans son jeu vidéo pour m'aider à dresser la table. Face à son attitude peu enthousiaste et à la manière dont il a disposé (ou plutôt, jeté) les assiettes et couverts, le résultat final évoquant davantage une œuvre cubiste qu'une table de petit déjeuner, j'ai ressenti une pointe d'irritation.
D’où l’idée du lancement du téléphone par la fenêtre. À la place, il y a eu un remontage de bretelles, d’autres corvées ont été ajoutées à la demande initiale ainsi que l’interdiction de jeux vidéos sous toutes leurs formes pendant le restant de la journée. Cela a contribué à créer une belle ambiance pour un dimanche matin, comme vous pouvez l’imaginer.
Ce récit illustre la frustration que de nombreux parents peuvent ressentir face aux tablettes, consoles, téléphones portables, et autres technologies similaires.
Ce n’est pas pour autant que je suis défavorable au numérique à l’école, bien au contraire.
L'utilisation des téléphones à l'école à des fins pédagogiques et leur usage en dehors pour le divertissement sont clairement distincts. Bien que l'utilisation pédagogique puisse également se faire à la maison, cela nécessite une supervision stricte et des règles bien définies. Interdire le numérique en milieu scolaire ne résoudra pas magiquement les problèmes d'utilisation à la maison ni ne réduira le temps passé devant un écran dans le salon.
Dans des éditions précédentes, j'ai présenté plusieurs exemples et résultats d'études montrant que le numérique à l'école peut favoriser le développement de compétences en citoyenneté numérique, en pensée computationnelle, ou encore aider à comprendre les biais des IA génératives. Tout cela doit se faire avec modération et en complément d'autres approches éducatives non numériques.
Le jour où les médias sociaux, l'intelligence artificielle, les téléphones portables et les tablettes ne seront plus largement distribués aux enfants et adolescents dans un cadre privé, nous pourrons éventuellement rediscuter de la place du numérique à l'école. Cependant, dans le monde actuel, il me semble qu'il serait contre-productif de priver les jeunes de la possibilité de comprendre et d'utiliser ces outils de manière responsable.
Aujourd’hui, je vais partager quelques réflexions à partir de l’ouvrage de Jonathan Haidt, psychologue social et professeur d’université, paru le 26 mars dernier:
The Anxious Génération: How the Great Rewiring of Childhood Is Causing an Epidemic of Mental Illness.
Je vais également partager
un rapport scientifique publié en 2023 par un centre de recherche qui met en relation l’âge du premier smartphone/tablette et les résultats en matière de bien-être mental.
le lien vers l’excellente newsletter, en anglais, dédiée à l’usage (sans encadrement), du téléphone portable. On y retrouve des études, projets, actions collectives, exemples pour l’encadrement.
L’idée principale de Jonathan Haidt dans son livre:
These two trends—overprotection in the real world and underprotection in the virtual world—are the major reasons why children born after 1995 became the anxious generation.
(Ces deux tendances - surprotection dans le monde réel et sous-protection dans le monde virtuel - sont les principales raisons pour lesquelles les enfants nés après 1995 sont devenus la génération anxieuse.)