La semaine dernière a été dense, mais intéressante.
Lundi j’ai participé en tant que conférencière à la journée Usages pédagogiques de l’IA organisée par la Haute École spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO) à Fribourg.
Mardi j’étais ici…
Un indice: Berne, Erlachstrasse 21. Le sujet: l’IA.
Pour en savoir davantage, découvrir aussi mon interlocuteur, et télécharger l’enregistrement, je crains qu’il faudra continuer à me lire aussi pendant les prochaines semaines.
Au cours des derniers 12 mois, et particulièrement avant mon entrée en fonction à l’Université de Fribourg, j'ai participé environ dix fois à des discussions sur ce type de thématique dans les cantons de Fribourg, Vaud, Genève, Berne, et Neuchâtel. J'ai également dû refuser (pour l'instant et par manque de temps) des invitations pour intervenir en France et au Canada. Cela témoigne-t-il d'un intérêt et d'un besoin pour ce sujet dans le monde de l'éducation ?
Temps de lecture: 10 minutes
Revenons à la présentation de lundi dernier à Fribourg.
Mon sujet était le suivant :
« L’IA pour un meilleur accompagnement des étudiant-e-s? »
Je vais essayer de retranscrire les points principaux d'une présentation pour laquelle je n'ai normalement pas de texte écrit, mais seulement quelques images et mots-clés pour guider mon exposé.
Accompagner les étudiants - qu’est-ce que ça veut dire?
L'accompagnement des étudiants dans l'enseignement supérieur a évolué ces dernières années en marquant une transition du rôle de l'enseignant "magister" à celui de "metteur en scène" et d’"accompagnateur" (Frenay, 2006). Cette évolution souligne la réduction de la posture directive et transmissive de l'enseignant au profit d'une approche qui valorise la conception de dispositifs d'apprentissage centrés sur l'étudiant et son processus d'apprentissage.
Le concept d'accompagnement s'est développé en réponse aux besoins variés des étudiants, mettant en avant la nécessité d'un enseignement plus personnalisé et impliqué. Des auteurs comme Paul (2004), Vial et Caparros-Mencacci (2007), ainsi que Lafortune (2008) présentent des approches diverses de l'accompagnement, suggérant des rôles comme guider, aider, soutenir, conseiller, mentorer, superviser, ou coacher, chacun reflétant des nuances différentes dans la manière de concevoir l'accompagnement.
Je n'ai pas approfondi les aspects théoriques de l'accompagnement pour cette présentation, mais je me suis intéressée à son étymologie. Le mot « accompagner » vient du latin "ad" (mouvement vers) et "cum pane" (avec du pain),), évoquant une démarche de partage et de progression commune.
J'ai demandé à ChatGPT de créer une image pour l'illustrer, et il a produit une image qui a ravivé de vagues souvenirs du livre que nous utilisions en cours de religion au primaire (oui, c'était bien le terme utilisé, comme s'il n'y avait qu'une seule).
Ce qui m'intéresse particulièrement au-delà de l'image, c'est l'idée d'un partage de ressources entre l'enseignant et l'étudiant dans le but commun d'atteindre une même destination.
Problématiques de l'accompagnement étudiant en enseignement supérieur
Dans l'enseignement supérieur, l'accompagnement des étudiants présente plusieurs défis qui nécessitent une attention et une adaptation constantes des méthodes pédagogiques et des infrastructures.
Diversité des contextes étudiants
Les grands auditoires, tout en maximisant l'efficacité des cours magistraux, posent des défis majeurs en termes d'interaction personnelle entre les enseignants et les étudiants. Dans ces environnements, il est difficile d'assurer un suivi personnalisé, ce qui peut entraîner un sentiment d'isolement chez les étudiants et une diminution de la participation active.
Si les cours en petits groupes permettent une meilleure interaction, l'accompagnement tend à se limiter aux heures de cours, avec peu de support au-delà de ces sessions, ce qui peut restreindre l'apprentissage continu et l'engagement des étudiants.
Diversité des besoins étudiants
Pourtant, la diversité des profils étudiants—tels que les étudiants allophones, ceux avec des troubles d'apprentissage (comme les troubles DYS), ou ceux qui ne peuvent pas assister régulièrement aux cours en raison de contraintes personnelles ou professionnelles—nécessite des solutions d'accompagnement flexibles et inclusives. L'enregistrement des cours mis à disposition des étudiants est une solution partielle qui permet un certain degré de flexibilité, mais elle ne remplace pas une interaction et un accompagnement personnalisés.
Vers une plus grande autonomie
Enfin, il y a une tendance croissante vers l'autonomie dans la vie professionnelle, notamment avec l'émergence de statuts d'auto-entrepreneur, ce qui requiert des compétences en auto-gestion que l'enseignement supérieur devrait s'efforcer de développer chez les étudiants.
Un sondage mené auprès de lycéens français montre que plus que le 45% souhaite une carrière d’auto-entrepreneur (Opinion Way, 2019).
Pour répondre à ces défis, les enseignants devraient développer des stratégies d'enseignement et d'accompagnement qui non seulement intègrent efficacement les technologies numériques, mais qui soient également centrées sur l'humain et adaptatives aux besoins individuels des étudiants.
Limitations des technologies actuelles
Bien que les plateformes numériques offrent le potentiel d'augmenter les interactions, elles risquent aussi de déshumaniser les relations pédagogiques, comme le mettent en évidence les travaux de Raucq et ses collègues (2021). En outre, les enseignants universitaires, souvent choisis pour leur expertise dans leur domaine, peuvent parfois résister à l'adoption d'outils numériques pour l'accompagnement des étudiants, les percevant comme chronophages. Cela peut réduire l'efficacité des enseignements à distance ou hybrides. Cette résistance pourrait également se manifester face à des solutions basées sur l'intelligence artificielle, bien que ce soit un domaine qui mérite d'être exploré.
Est-ce que l’IA peut aider à personnaliser l'enseignement et développer l'autonomie des étudiants ? Et si oui, comment ?
L'intelligence artificielle offre une capacité sans précédent de personnaliser l'enseignement et de soutenir le développement de l'autonomie des étudiants. Les technologies IA, telles que la création de GPTs personnalisés, représentent un pas en avant significatif dans cette direction.
Création de GPTs personnalisés
Avec l'avènement de ChatGPT 4 et d'autres modèles de langage similaires, il est désormais possible de créer des versions personnalisées de ces systèmes, adaptées à des tâches spécifiques ou à des besoins particuliers. Par exemple, un GPT peut être conçu spécifiquement pour aider les étudiants dans des domaines académiques précis, en fournissant des explications détaillées, des résumés de cours, ou des sessions de révision interactives. Ces GPTs peuvent être configurés pour intégrer des connaissances spécifiques à un domaine, rendant l'assistance plus pertinente et efficace.
3 Avantages de l'IA pour l'autonomie des étudiants
Processus de création
« Oui Madame Caneva, c’est intéressant, mais combien de temps faut-il pour créer un GPT personnalisé ? »
On me pose régulièrement cette question.
La création d'un GPT personnalisé est un processus que je définirais « user-friendly » et qui ne nécessite pas de compétences de codage avancées. Les enseignants et les administrateurs peuvent assez facilement configurer un GPT avec des connaissances spécifiques, des instructions d'utilisation, et même personnaliser l'interaction pour qu'elle reflète le ton et le style de communication souhaités.
Cela demande un certain investissement de temps au début, comme pour tout nouveau projet, mais à mon avis, le rapport coût-bénéfice en vaut largement la peine.
L'adoption de l'IA dans l'éducation, notamment via des GPTs personnalisés, représente une voie prometteuse.
J’ai consacré une des dernières newsletters à ce sujet, où j’explique (presque) pas par pas comment créer un GPT spécifique pour son cours et pour ses étudiants :
Dans le GPT que j'ai conçu pour les futurs étudiants de mon cours sur la gestion d'établissements à l'ère numérique et le développement de stratégies, ceux-ci peuvent interagir avec le contenu du cours en différentes langues, y compris l'italien, comme illustré ci-dessous:
Ils peuvent également réviser grâce à des évaluations interactives en utilisant mon GPT et les contenus du cours. Par exemple, il est possible de créer un quiz à choix multiples pour s'entraîner :
Et de générer les réponses aux questions pour permettre l'auto-évaluation:
Conclusion
Bien que l'intégration de l'IA dans l'accompagnement des étudiants ne remplace pas la relation personnelle entre un enseignant et un étudiant, elle offre plusieurs avantages potentiels, notamment en termes d'autonomie, de flexibilité, et d'accessibilité.
Avantages de l’IA
Défis et considérations
Cependant, il est essentiel de reconnaître que l'IA est seulement un outil au service de l'enseignant et de l’étudiant et non une solution complète. Les défis suivants doivent être pris en compte :
Vision à long terme
En fin de compte, l'efficacité de l'IA dans l'enseignement supérieur dépendra de sa capacité à enrichir la qualité des contenus pédagogiques et à améliorer les relations d'apprentissage entre enseignants et étudiants. Pour que cette technologie soit véritablement transformative, elle doit être utilisée de manière réfléchie et stratégique, en veillant à maintenir une approche centrée sur l'étudiant.
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